Esthétique et technique

La tendance actuelle, voire même par le passé, accorde trop d'importance à la beauté au détriment de la valeur utilitaire de l'objet d'art. C'est ainsi qu'une connaissance principalement livresque (historique, analytique, conceptuelle) n'amènera qu'une compréhension partielle de l'art et de ce qu'il implique, qu'il s'agisse du Nippon-To ou de l'art japonais en général. Par exemple, il est essentiel de savoir distinguer un Choji-Utsuri sur une lame Bizen-Koto ou un beau Utsuri sur une lame Sue-Koto, voire même savoir que ces deux Utsuri sont composes de troostite contenant de la martensite et un peu de sorbite. Cette connaissance n'est cependant que partielle si l'on ne mesure pas l'incidence métallurgique que cela implique dans les caractéristiques de la lame, ou encore dans quelles conditions très complexes est formé cet Utsuri; elle ne permettra pas d'en créer soi-même. Cette capacité permet en effet non seulement d'apprécier la qualité et la beauté du travail réalisé, mais encore de connaître le processus qui le crée et ainsi parvenir à en déterminer les propriétés physiques.

Certes, le forgeron d'antan ne possédait pas la connaissance métallurgique que nous avons aujourd'hui. Cependant, il était guidé par une certaine connaissance empirique pratique qui imposait l'observance d'un rituel précis empreint d'un certain mysticisme. Ceci permettait la reproduction intégrale de lames aux propriétés physiques éprouvées et reconnues unique préoccupation des forgerons Koto, préoccupation qui était dictée par des impératifs martiaux. C'est de cet impératif martial que son nés les principes d'utilité et de beauté caractéristiques de la période Koto. La science métallurgique actuelle doit permettre d'apprécier et de comprendre d'autant mieux les méthodes des forgerons Koto qu'elle peut sérier et éliminer leurs aspects mystiques tout en sauvegardant son caractère traditionnel.

Malcolm T. Shewan